Finalement, j'en ai parlé au chef suprême, c'est à dire que j'ai fait quelque chose de totalement contraire aux lois non écrites et forcément silencieuses de l'omertà professionnelle.
En même temps, ne pas en parler au chef suprême laisserait sous-entendre qu'il cautionne ce genre de comportement et ce n'est pas bien non plus. Donc, j'ai expliqué brièvement la situation. Au début il semblait ne pas vouloir me croire, ensuite il a admis que quelque chose n'allait pas. Je me suis fait accompagner d'un collègue journaliste et du coup il ne pourra pas dire qu'il n'a rien entendu, vu qu'il y a un témoin... Hou que c'est machiavélique tout ça ! Mais dans la vie de bureau il faut être malin, ou tout simplement un peu intelligent.
Le lendemain de mon entrevue, mon chef suprême m'invte dans son bureau et me dit qu'il en a parlé à l'intéressé, que l'intéressé doit lui apporter une explication (ce qui laisse sous-entendre clairement qu'il n'en a pas) et que je ne devais plus me préoccupper de cette question. Il me remercie de lui en avoir parlé. Immense soulagement de ma part. J'avoue avoir eu un moment de lâcheté et avoir regretté d'en avoir parlé "à qui de droit". Ce qui est absurde. Celui qui devait être gêné en premier lieu était l'intéressé qui me demande, ainsi qu'à ma collègue, de commettre une indélicatesse.
L'intéressé maintenant est totalement débordé par la préparation d'une "spéciale anniversaire chute du mur de Berlin" et n'est pas très présent. Il est d'une obséquiosité mielleuse avec ma collègue. Avec moi, il est d'une politesse glaciale qui me convient tout à fait.
Dans l'open space, l'histoire n'intéresse plus personne. On est passé à autre chose. Moi j'y ai gagné la réputation d'une incorruptible qui ne laisse rien passer.
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