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Intérieur

 

Il y a très longtemps une de mes tantes m'a offert une bougie parfumée. Au début j'étais très dépitée. Je trouvais que c'était un cadeau franchement nul. Or la première fois que je me décidais à l'allumer j'ai été agréablement surprise. C'était une bougie Rigaud, parfum cèdre. Je me souviens très bien de l'emballage zèbre, à mes yeux très fin années '50 et que je trouve très chic. Aujourd'hui, de passage au Bon Marché avec une amie italienne, je tombe sur le stand Rigaud, et je me souviens... Le prix par ces temps de crise et de fins de mois difficiles me refroidi : 67 euros.

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Il y a quelques mois, devant faire un petit cadeau, j'achète une bougie "verveine" chez l'Occitane. Le pot est trop lourd, je le laisse chez moi ne l'emportant pas dans ma valise. Finalement je me décide à faire brûler cette bougie. C'était très agréable. Ma cousine passée à la maison pour bavarder s'extasie sur la bonne odeur dégagée par cette bougie somme toute bien ordinaire. Prix : 16,50 euros.

Pour commencer la nouvelle année, je franchis le pas de ce qui me semble le luxe inaccessible (rappelez-vous, je fais surtout mes courses chez Franprix, et le luxe pour moi c'est choisir des liquides vaisselles aux parfums improbables et rigolos), je m'achète un bougie Dyptique. J'ai le plus grand mal à me décider, c'est une expérience absolument grisante et en plus, le sac dans laquelle le charmant vendeur glisse ma bougie est hyper pratique pour transporter mes tupperware de pic-nic de midi au bureau. Il me donne - en plus - quantité d'échantillons d'eaux de cologne délicieuses.

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Prix de la plaisanterie, 40 euros. Mais l'emballage, l'étiquette blanche avec ce graphisme si chic, les échantillons de cologne (95 euros le flacon de 100 ml tout de même, je ne suis pas prête d'en acheter), voilà, c'est grisant. Quand on ne peut pas s'offrir de luxe par raison strictement économique ou même idéologique (même si j'étais richissime, jamais je ne mettrais 1500 euros dans un sac à main), la bougie Dyptique pour une somme somme toute modique, rassasie ce phantasme d'intérieur d'une opulence discrète et accueillante.

Du coup, en début de mois, me promenant pour une fois sans but précis dans mon quartier, profitant du premier soleil de printemps, j'entre chez Louison, dont les sacs pailletés brillaient en une trilogie bleu klein, turquoise et vert d'eau dans la vitrine et là je tombe en arrêt devant de magnifiques bougies d'une marque totalement inconnue, anglaise. Me souvenant de l'extase de ma cousine à propos de la simple bougie à la Verveine, et a fortiori de la bougie Dyptique, je hume ces beaux objets, présentés sur des socles adhoc en bois sombre et j'achète une de ces nouvelles bougies "True Grace" au nom évocateur : Orangery

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Le prix par rapport au parfum, à l'emballage, au verre délicatement sablé (Dyptique par comparaison fait vraiment penser à un verre à moutarde Amora) bat toute concurrence: 30 euros, 20 livres en Angleterre en allant sur le site de ce couple qui a eu cette idée de marketing géniale : http://www.truegrace.co.uk/Default.aspx/rangesize.153

Je me suis arrêtée là. Mais dans une espèce de délire de recherche du luxe le plus inutile, car quoi de plus fou que de littéralement brûler de l'argent pour avoir un intérieur parfumé, je cherche sur internet les fameuses bougies Trudon. En effet pourquoi pas rêver de claquer un jour une somme disproportionnée pour cet objet qui semble être le nec plus ultra de la bougie parfumée française.

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La Bougie de 2,8 kilos coûte 275 euros... Celle ci-dessus, plus modestement 50 euros. Les descriptions des fragrances sont aussi littéraires que celles des Anglais "True Grace".

C'est assez peu mon genre faire des billets de ce style, c.a.d. de la publicité pour des produits de consommation d'un intérêt vraiment réduit.Est-ce que parce que je viens de terminer le livre de Florence Aubenas qui relate son expérience dans la peau d'une chômeuse sans expérience et diplômes qui du coup travaille comme "technicienne de surface" ? Ce livre magnifique "Le quai de Ouistreham", montre avec justesse et humanité ce que c'est la misère et également la solidarité. A mes yeux, c'est ce qui explique que parfois on puisse se priver du nécessaire pour avoir une pointe de superflu qui rend le quotidien, fait de liquide vaisselle au guarana ou à l'amande biologique (moment de folie) plus léger. C'est comme s'acheter des fleurs. Les fleurs par définition ne durent pas, c'est leur brièveté qui en fait le prix. Donc, un luxe.

J'ai vécu douze ans chez ma grand-mère qui m'a généreusement hébergée chez elle pendant mes études et avant que je ne parvienne à trouver un travail correctement rémunéré. Ayant élevé douze enfants et perdu son mari quand sa dernière fille avait cinq ans, elle a, toute sa vie d'adulte, fait attention à son budget afin que personne ne manque du nécessaire. Donc, le luxe ne faisait pas partie de cette vie (alors que jeune, c'était le cas). Je ne sais comment elle aurait réagi si je m'étais acheté - alors - une bougie Rigaud. Mais elle adorait les fleurs. Elle avait un jardin, dont elle coupait les fleurs pour faire des bouquets. Parfois au marché elle craquait pour une botte d'oeillets dont elle gardait les tiges pour les bouturer !

Je répugnerai à m'acheter même si j'en avais les moyens, ces sacs de grande marque que je vois dans Vogue et dont les prix dépassent la réalité. Je trouve que ça n'a pas sens. Mais une bougie parfumée, oui. Un bouquet de roses Piaget, oui.

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Yves Piaget - Meilland




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