Constatant que je ne serais pas là pour le 2ème tour des municipales, je m’organise pour donner une procuration à un proche. J’ai du bol, une providentielle cousine habite à deux pas de chez moi et cette année elle est bien inscrite sur les listes électorales. Elle est là et tout à fait disponible pour voter le 30 mars. Il ne me reste plus qu’à remplir le formulaire de procuration. Apparemment c’est très simple, le site de la mairie de Paris m’indique les liens sur lesquels je clique pour remplir un formulaire CERFA :
https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_14952.do
Voilà, vous voyez comme c’est « simple ».
Je commence donc à le remplir, vérifier l’adresse, la date de naissance de ma cousine, je me pose la question de la date du scrutin, c’est bien le 23 mars, mais je lui demande de ne voter qu’au 2ème tour. Bon. Je me trompe une première fois en ligne, je recommence en re-ouvrant un formulaire vierge. J’imprime le tout. Il m’aura fallu environ une demi-heure…
Samedi je pars au commissariat qui se trouve à 5 minutes à pied de chez moi et nous sommes déjà quatre à faire la queue pour les procurations. A l’accueil, une jeune femme d’une trentaine d’années, brune, aux cheveux attachés en une courte queue de cheval, qui dégage une force calme et sereine.
Elle m’appelle quand c’est mon tour et lit attentivement mon formulaire.
Je me suis trompée. D’un ton légèrement moqueur elle me tend un nouveau formulaire, rose cette fois-ci, et me dit de bien faire attention à la date des scrutins me montre les cases à cocher, celle à ne surtout pas remplir et de recommencer. Je suis bien énervée, ce qui est dû aussi au manque de sommeil, je viens de terminer un cycle de trois matinales, avec des réveils à 4 heures, et merde, j’ai bac + 5 et je ne suis pas capable de remplir correctement un formulaire ? Mais je me dois de rester calme et je me mets sur le côté et m’applique.
Merde, je fais une rature. Avec une pointe d’ironie dans la voix, elle consent à me donner un autre formulaire. Entre-temps, alors que je tire la langue et que je recopie en faisant ultra attention, sont arrivés un couple de vieux : leur voiture a été vandalisée dans leur parking. La vieille dame est sourde. La policière tente de leur expliquer qu’ils ont 5 jours pour faire la déclaration au commissariat et de prendre plutôt rendez-vous par téléphone afin d’éviter l’heure d’attente. Rien à faire, ils décident d’attendre. Ensuite arrive un couple de jeunes. La fille s’est fait voler son portable. Commentaire du jeune homme indien qui l’accompagne (ils sont tous les deux étudiants étrangers à Paris) : Paris est vraiment une ville peu sûre. Léger énervement de la policière qui lui dit que non, les vols de portable hélas ça arrive partout, dans toutes les capitales. Et quand tu entends comment elle s’est fait tirer son smartphone (à une terrasse de café) tu te dis qu’elle aurait dû faire un peu plus attention… Je suis entièrement d’accord avec la policière qui a une grande envie de gifler le jeune qui lui dit d’un ton très supérieur et désagréable qu’il pense que Paris est vraiment une ville peu sûre...
Pendant qu’elle leur dit d’attendre arrive une très jeune fille aux cheveux bruns coupés au carré, une petite frange. Elle est manifestement bouleversée. Dans un souffle elle explique qu’elle a subi des violences de son compagnon et qu’elle doit le dire afin qu’il y ait une preuve, enfin je ne comprends pas trop, je ne suis pas censée écouter tout de même, et elle éclate en sanglots. Ça m’atteint au cœur j’ai immédiatement les yeux qui se remplissent de larmes tellement sa détresse est palpable. La jeune policière (qui doit avoir 5 ans de plus que la victime) garde son calme mais je sens qu’elle est en empathie avec la jeune fille, elle lui indique un box. Lui dit d’aller se mettre là et qu’elle va la rejoindre afin de recueillir sa plainte. En cinq minutes la jeune fille qui vient de vivre un drame est prise en charge. Je suis rassurée.
Une grande femme qui serait digne de figurer dans un tableau de Callot ou de Caravage vient remplacer sa collègue. Elle reprend les procurations en main. Et là ce fut un festival. Sur les 8 présents, 6 ont dû recommencer. Mais j’ai la palme, parce que j’ai dû recommencer une troisième fois. Manifestement, je ne suis pas faite pour les formulaires CERFA.
Je constate que le tout beau et tout neuf commissariat est en sous-effectif. Que le hall est extrêmement mal éclairé et que nous sommes forcés d’attendre dans le noir – hier à 16 heures, il faisait si beau que le contraste n’en était que plus criant…
Que les filles qui assuraient l’accueil sont expérimentées et savent gérer les situations de crise et surtout voir les priorités.
Que si jamais quelque chose de grave vous arrive vous serez entendu. Je repense au soir du 25 décembre 2009, où excédée par les jeunes cons qui dealaient du shit, j’étais passée non pas déposer plainte puisque on m’avait poliment ri au nez, mais leur dire de faire quelque chose, et je me dis, que dans le quotidien, nous devons nous aussi établir des priorités dans la gravité des évènements qui nous affectent.
Arrivée à 16h30, je suis ressortie à 17h15, la deuxième policière, celle qui ressemblait à un Callot m’ayant dit que si je continuai comme ça, j’allais rester jusqu’à 18 heures ! (Sur le formulaire, on note la date et l’heure où l’officier assermenté va apposer sa signature et le cachet…)
PS : (source Wikipedia) Le centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs, couramment abrégé par l'acronyme Cerfa, était un organisme public français créé par une circulaire du 18 juillet 19661, ayant pour vocation la mise en place et la modification de tous les documents officiels utiles à la communication avec les administrations et pouvoirs publics.
Le Cerfa était initialement une division de l'Insee, puis il a été rattaché au Secrétariat général du gouvernement par un décret du 16 novembre 19762 avant d'être fondu dans une commission pour les simplifications administratives instituée par un décret du 2 décembre 19983.
Le décret n° 2001-452 du 25 mai 2001 relatif aux simplifications des démarches et formulaires administratifs définit les formulaires de la manière suivante : « tous les documents, quels qu'en soient la présentation et le support, y compris électronique, permettant à un usager d'accomplir une démarche administrative ».
Ceci ouvre le droit à l'utilisation de formulaires électroniques dans l'administration et notamment à l'utilisation de documents pré-imprimés à partir des fichiers PDF téléchargeables via le site service-public.fr4.
Commentaires
Ton histoire m'a bien amusée et rassurée aussi car pour le dernier scrutin présidentiel j'étais en vacances pour le 2ème tour et j'ai dû accomplir les mêmes démarches que toi pour faire une procuration à une amie: je m'y suis reprise à 3 fois avant d'avoir le satisfecit de la fliquette de service! Entre la mauvaise case de remplie par erreur ou une malheureuse petite rature totalement intolérable et risquant d'invalider ma procuration, j'ai refait ma copie 3 fois avec un stress grandissant qui bien sûr me poussait à une nouvelle erreur....Comme quoi les diplômes ne rendent pas toujours service...Ca se mérite une procuration!