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  • Repassage

    Mon ancien fer crachant tout ce qu'il pouvait comme eau au vu des nombreuses années d'utilisation (et quelques chutes), je me laisse séduire par celui-ci, marque anglaise mais made in China, au détour d'un rayon du Monoprix à côté de chez moi. La couleur et le prix étaient attractifs. Par ailleurs j'ai aussi un mixer de la même marque qui tient bien le coup...

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    En lisant le livret d'instruction, je constate que c'est un fer suffisamment simple pour être utilisé par un enfant de 8 ans, voire des handicapés (la périphrase anglaise pour dire ça politiquement correctement est persons with reduced sensory or mental capabilities) ! 

     

     

     

     

    La preuve :

    1 This appliance can be used by children aged from 8 years and above and persons with reduced physical, sensory or mental capabilities or lack of experience and knowledge if they have been supervised/instructed and understand the hazards involved. Children shall not play with the appliance. Cleaning and user maintenance shall not be done by children unless they are older than 8 and supervised. Use and store the appliance out of reach of children under 8 years.

    La Grande Bretagne, terre de naissance de Dickens, j'imagine des générations d'Oliver Twist d'origine anglaise ou pakistanaise ou chinoise obligés de repasser des tonnes de chemises dans une buanderie obscure ... Mais qui oserait demander à un enfant de faire du repassage ! Le fait est qu'un fer à repasser est un outil dangereux et ce modèle ci s'éteint au bout de 30 secondes d'immobilité exprès pour éviter des drames. Voilà pourquoi un enfant de 8 ans pourrait s'en servir. Par extrapolation, n'importe qui peut faire son repassage... Même des débiles mentaux, voire des hommes.

    Mais il s'avère que c'est une tâche très féminine et également réservée à des obsessionnelles comme je le suis, dans mon cas, repasser a toujours eu des vertus thérapeutiques. Je repasse les draps, en écoutant la radio (france culture ou france musique) ou en regardant un film. Aplanir les plis du tissus, lisse les préoccupations qui se trouvaient dans ma psyché.

  • How to eat fried worms

    J'ai beaucoup de mal à résister à l'attrait du livre, surtout s'il est vieux et qu'il se trouve sur la table d'un stand dans une rue, ou chez un libraire de deuxième main.

    J'y ai trouvé de véritables trésors.

    Alors j'ai décidé de commencer à en faire la liste.

    Aujourd'hui, chez Mona Lisait pour 2,50 €:

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    J'aime le fait qu'ils aient laissé le petit papier de l'ancien propriétaire à l'intérieur.

     

    Thomas Rockwell est le fils du célèbre peintre Norman Rockwell. Il est l'auteur reconnu de plusieurs livres pour enfants, dont celui que j'ai acheté parce que je trouvais les dessins - et le titre - sublimes, est le plus célèbre. Il a été publié en 1973. Il a même été adapté en film en 2006 ... Par chance, l'exemplaire que j'ai trouvé est une première édition avec les illustrations d'Emily McCully. Emily McCully n'est pas seulement illustratrice mais également écrivain pour enfants. Son personnage le plus célèbre est une petite fille qui s'appelle Mirette et qui apprend à être funambule.

    Découvrir tout cela pour seulement 2,50€ c'est cadeau !

     

    http://www.emilyarnoldmccully.com/emily-arnold-mccully.html

    http://www.nrm.org/about-2/about-norman-rockwell/?lang=fr

    "The problem we all live with", 1963

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  • Musique et marine

    Un matin en écoutant France musique, un jeune violoncelliste jouait de la musique de chambre. Il s'agissait d'une oeuvre de Jean Cras le Quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle. J'ai beaucoup aimé cette pièce et tout naturellement j'ai cherché à en savoir plus sur le compositeur.

    Un tour sur internet me donne une rapide introduction. La chose la plus étonnante, c'est que l'homme est marin de profession. Mais Duparc a été son maître. Cette photo - je suis quelqu'un qui est surtout visuel - m'achèvera. Je suis totalement conquise !

    220px-Jean_Cras.jpg (Jean Cras - 1902 avec son chat Bleu-Nial)

    Le charme de la photo y est pour quelque chose, mais il y aussi le souvenir de mon père qui était passionné de voile et musicien. Je crois que ses deux plus grands plaisirs dans la vie étaient de faire du bateau avec ses cousins au bord de la mer (son père avait fait construire un canot à voile qu'il avait voulu insubmersible, le Zinou) et jouer de la musique de chambre avec ses amis. Il passait son temps à emprunter des partitions en bibliothèque et à les recopier sur du papier à musique (pas de photocopieuse dans les années 50 !) car il n'avait pas les moyens de les acheter. C'est ainsi qu'il a appris à copier la musique si rapidement et nettement. J'en ai eu encore l'exemple récemment, lors d'un concert où les musiciens avaient tous des photocopies d'une transcription d'une pièce d'Allegri par mon père !

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    Bref, l'amiral Jean Cras, qui se débrouillait pour avoir des pianos sur ses bateaux, qui a été l'homme aimant d'une seule femme à laquelle il écrivait des lettres sublimes, qui composait pour ses petites filles et avait des chats ou des chiens sur ses navires, avait tout pour être en correspondance avec moi.

    Après avoir lu un ouvrage sur sa vie et son oeuvre, écrit par un éminent musicologue canadien, j'ai cherché une partition que je puisse jouer. A la Flûte de Pan, ma demande ne surprend pas la personne au comptoir. Elle m'apporte plusieurs partitions de musique vocale. J'en choisis une dont la tessiture me parait possible et la mélodie accessible (elle se révélera à la pratique plus difficile que je ne le pensais !). Le titre est évocateur "Soir sur la mer". Les paroles sont poétiques et mélancoliques.

    La mer ce soir est un grand miroir.

    Tout se pose sur elle avec une grande douceur.

    Le crépuscule est violet, elle est mauve avant de devenir grise.

    Un feu blanc se mire, le croissant roux de la lune se reflète,

    le phare tournant lui verse par intervalles réguliers son regard rouge,

    une étoile lui envoie son rayon tremblant qui s'allonge,

    et la barque de pêche posée devient double sur ce miroir

    en lui donnant son image.

    Ce soir la mer reflète le monde,

    et tout lui donne tout.

    Mon âme solitaire est ainsi reflétée sur le calme miroir que mes rêves ont choisis.

    Virginie Hériot

    Composé à bord de la Provence, Toulon 12 avril 1929

    Deux ans après l'achat de cette partition, au fur et à mesure que je la travaille, il m'est venu la curiosité de savoir qui était la personne dont Jean Cras avait mis en musique les mots. Et je découvre une autre personnalité assez unique, la première femme navigatrice au monde, qui devint même championne olympique de voile et passait dix mois sur douze sur sa goélette "Ailée" (400 tonneaux tout de même), adorée par son équipage !

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    Je la trouve magnifique dans sa robe en jersey et ses sandales, sa tenue de voileuse. Derrière elle, son voilier "Aile VI", d'une grande beauté, qui a remporté toutes les courses !

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    Le peu que je connais d'elle je l'ai appris sur le site de l'histoire du Vésinet. Elle y habitait une somptueuse villa construite par son père, Olympe Hériot, frère du fameux Auguste, héritier des Grands magasins du Louvre. Née en 1890, son enfance se partage entre la villa Hériot au Vésinet, le domaine de La Boissière à Rambouillet et le château d'Essoyes dans l'Aube. Et là je bondis ! Car je connais Essoyes, village de Renoir que je traverse pour aller dans le village où mon ami possède une petite maison de famille. Essoyes, que les parents Hériot quitteront pour faire fortune grâce au génie de leur fils Auguste qui a eu l'idée du premier grand magasin. C'est lui qui inspirera à Zola son personnage d'Octave Mouret dans "Au bonheur des dames". Essoyes, où Olympe transformera une propriété en château en 1890.

    Bref. Virginie est richissime. Quand son père meurt en 1899, elle a 9 ans. Sa mère -jeune veuve de 25 ans plus jeune que son mari - achète un steamer, le "Katoomba", en 1904 (Katoomba est le nom d'une localité des Blue Mountains en Australie, autre coïncidence qui me fait sourire). Il sera rebaptisé "Salvador" et offert à sa fille comme cadeau de mariage. En attendant, elle emmène sa fille et ses deux fils aînés pour une croisière de trois mois à travers la Méditerranée jusqu'à Jérusalem et le Caire. Virginie rencontrera à cette occasion le célèbre Capitaine Loti et montera à bord de son "Vautour". C'est là qu'elle tombe amoureuse de l'océan et déclare "je serais marine". 

    En attendant, elle se marie à 20 ans avec un aristocrate français qui partage avec elle le goût de la mer, François de Saint Senoch. En 1913, elle donne naissance à un garçon, Hubert.

    En 1918, Virginie doit subir une grave intervention chirurgicale, se sentant mourir, elle écrit de La Boissière deux lettres d'adieu, l'une à son fils, l'autre à sa mère :

    "[...] 
    Regardez, je viens mourir doucement près de vous.
    Je vous laisse ma tristesse! qui me vient de plus loin que vous
    Mes désillusions,
    Mes heures d'angoisse,
    Mes heures de révolte,
    Toutes mes heures,
    Ma solitude.
    Prenez mes larmes, toutes mes larmes qui me rendirent plus douce,
    Plus petite, comme toujours abandonnée
     [...]"

    Elle se sépare de son mari en 1921. A partir de là elle pourra se consacrer entièrement à sa passion, la navigation. Elle devient championne olympique en 1928 à bord du yacht "Aile VI" qu'elle a conçu et fait construire. Elle devient célèbre, en 1930 elle rencontre Rabinadrath Tagore (prix nobel de litterature en 1913) qui l'appellera Madame de la mer. Ce qui lui fait une autre connexion avec Jean Cras qui a mis en musique des poèmes de Tagore...

    On sent une personnalité à part, hors normes, comme témoigne cet extrait d'un de ses écrits :

    "Les personnes que je rencontre ne me comprennent pas (...) Elles ne me jugent pas par mes actions mais à travers leurs sentiments. Physiquement, je les étonne :

    - Comment pouvez-vous conduire vos bateaux à la victoire avec des attaches aussi fines?

    ou encore :

    - Comment se peut-il que dans un corps si menu puisse se cacher une si belle énergie!!

    Je souris par habitude, mais l'abîme moral est encore plus profond."

    Dans "Le vaisseau Ailée, le bateau qui a des ailes" 31 janvier 1931

     C'est donc un an après ces jeux olympiques que Jean Cras lui emprunte un texte qu'il met en musique. Etrangement, ils mourront tous les deux la même année, à à peine 15 jours d'intervalle. Jean Cras sera emporté par un cancer foudroyant en trois jours. Virginie Hériot mourra elle aussi prématurément, à 42 ans, des suites d'une blessure contractée lors d'une régate, comme le raconte la page que lui consacre le site du Vésinet :

    "Au début de 1932, au cours d'une traversée entre Venise et la Grèce, sa goélette Ailée II est prise dans une tempête. Virginie, qui ne quitte jamais le pont est grièvement blessée (blessures au foie et deux côtes cassées) mais elle refuse de réduire le rythme des compétitions. Fin août, lors des régates d'Arcachon, elle s'évanouit à bord de son petit voilier Aile VII, On tente de la dissuader de prendre le départ de la régate, mais en vain. Le 27 août, tandis qu'elle rejoint la ligne de départ, elle est victime d'une syncope. Elle meurt le 28 août 1932 à bord d'Ailée II à 15 heures précises."

    http://www.histoire-vesinet.org/virginie-heriot.htm

    Je pense qu'elle ne pouvait pas rêver de plus belle mort.

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    Jean Cras (22 mai 1879 - 14 septembre 1932)

    Virginie Hériot (25 juillet 1890 - 28 août 1932)

     

    https://www.youtube.com/watch?v=Q-ATDBgDbLE