Le 25 novembre j'étais en formation rue du Louvre au CFPJ. Tous les matins, un préposé rapporte plein de journaux : une bonne partie de la presse régionale (lire Le Progrès de Dijon le jour des enchères des Hospices de Beaune est tout à fait réjouissant) et les principaux quotidiens nationaux dont l'Humanité et la Croix.
Je prend la Croix qui me rapelle ma grand-mère qui y était abonnée depuis des années. Je tombe sur l'interview de Véronique Richez-Lerouge présidente de l'Association "Fromages de terroirs" et également auteur de "France, ton fromage fout le camps".
Je ne le savais pas, mais certains fromagers de France ont décidé de soutenir la fourme de Montbrison : une seule PME et un seul fermier la produisent. Ca m'interpelle parce que j'ai entendu parler de ce fromage par la femme de mon frère dont la famille possède une maison dans les Monts du Forez (le pays d'Aimé Jacquet). J'ai donc mangé une fois de la fourme de Montbrison. C'est spécial. Rien à voir avec le bleu d'Auvergne ou d'autres fourmes. Ca peut se comprendre d'ailleurs. Tout dépend de ce que mange la vache qui donnera le lait avec le quel on fera le fromage. Quand Anne-France m'a expliqué la particularité de la fourme de Montbrison, je l'ai goûtée avec attention et respect. Je n'en reviens pas d'apprendre qu'elle est vouée à disparaître.
Mme Richez-Lerouge explique que 90% des fromages français sont industriels. Lactalis, premier groupe laitier mondial, contrôle 60% des volumes de cette fourme, qui du coup n'est plus au lait cru mais au lait pasteurisé... Je suis bien placée pour le savoir, la femme d'un de mes cousins est ingénieur qualité pour ce groupe.
Elle me racontait il y a quelques années que le parmesan était fait avec le lait des vaches bretonnes ce qui avait provoqué mon émoi mais finalement vu les quantités industrielles de parmesan de par le monde il est vrai que les vaches du nord de l'Italie et de la région de Parme n'y suffiraient pas. Comme me disait la mère d'une amie italienne - qui est originaire de San Daniele (là où on fait, après Parme le meilleur jambon du monde) : " ma chérie, as-tu jamais vu un cochon à San Daniele ? Non, à San Daniele on vend notre air si spécial pour affiner les jambons !" Donc le parmesan fabriqué avec du lait breton était envoyé à Parme où il serait resté en cave 16 à 24 mois, tout ça pour avoir son AOC.
Comme l'explique La Croix, les géants de l'agroalimentaire se ruent sur les appellations pour jouer la carte du terroir auprès des consommateurs. Le groupe Lactalis fabrique ainsi une trentaine de fromages AOP. Les normes de fabrication sont draconiennes, donc impossible de faire un fromage au lait cru. Les industriels tentent donc - une fois entrés dans le syndicat de l'appellation - "d'en prendre le contrôle afin de peser sur les décisions et par exemple d'assouplir le cahier des charges. Leur rêve : autoriser la pasteurisation !" C'est ce qui s'est passé pour la fourme de Montbrison. C'est ce qui a causé la mort de plusieurs fromages français, comme le Vacherin d'Abondance ou la Galette des Monts d'Or (toujours dans la région lyonnaise).
Donc, pour schématiser, d'un côté j'ai la PAC avec ses stocks de beurre - ce qui me permettait enfant, à Rome, de manger du beurre danois Lurpak salé, et de l'autre des éleveurs endettés qui mettent la clé sous la porte et qui ne peuvent plus faire de fromages au lait cru vu les normes sanitaires et le coût que cela induit. La semaine dernière j'ai vu la manifestation des éleveurs laitiers à Bruxelles. Belges, français et hollandais sont partis vers Bruxelles avec leurs tracteurs - en ralentissant certains axes routiers - pour se rassembler devant le Parlement qu'ils ont arrosé de lait à la lance à incendie depuis leurs citernes. Je me demande ce qu'il faut faire. Quand j'achète - rarement - du fromage chez le fromager du marché je suis un peu saisie par les prix, minimum 20 euros le kilo et je ne vous parle pas de la mimolette extra-vieille (comme l'eau de Cologne !) ou des fromages corses...
Il y a un problème que je n'arrive pas à résoudre, c'est certain, mes connaissances en macro et micro-économie étant insuffisantes.
En tous les cas, j'aime les vaches.
Sur la TSR (télévision suisse romande) on retransmet les combats de reines. Il s'agit de vaches noires, de la race d'Hérens. Elles se battent entre elles pour savoir qui sera celle qui mènera le troupeau à l'alpage et sera la première à arriver, et donc à choisir le meilleur emplacement. Elles ont ça dans leurs gênes. Je n'imagine pas une vache normande se battre contre une autre vache pour la virer de son herbe mais peut-être que je me trompe ... D'ailleurs elles sont nées pour ça, pour être reines. On les y entraîne. Leur pis est petit par rapport à celui de leurs copines. Mais elles font quand même du très bon lait qui fait du très bon fromage.
Donc chaque année il y a des championnats. On voit ces vaches noires avec un gros collier en cuir orné d'une énorme cloche se pousser et essayer de faire plier le col à leur adversaire. Elles ont des noms, Vampire, Manhattan ou Petula mais on leur peint de gros numéros blancs sur leurs flancs. Il y a rarement des blessées. Généralement après s'être poussées front à front pendant un bon quart d'heure, une décide d'abandonner le terrain. C'est Shakira qui a remporté le tournois du Goler en octobre 2012 et Furibonde qui est sacrée Reine du combat de Mollens... Tout un programme. Le prochain tournoi se tiendra à Aproz en mai 2013.
Cette tradition se pratique en montagne de part le monde même si elle est typique des Alpes et du Valais suisse. La Suisse n'est pas en Europe. Mais je pense que Lactalis doit fabriquer de l'Entremont qui n'est certainement pas au lait cru. A nous de ne pas nous faire avoir.
Lire : finale nationale des combats de Reines
Le site de la fourme de Montbrison