Il y a fort longtemps je lis un article sur une revue internet (qui maintenant sort en papier grâce au financement participatif) l'Instant parisien (http://www.linstantparisien.com/le-bois-dormoy/) sur une jeune paysagiste qui exerçait son métier sur la friche de l'hôpital St Vincent de Paul. Cette friche a été baptisée les Grands Voisins. Comme cette jeune fille est moderne, elle a un compte instagram, on la trouve sous le nom de son atelier Mama Petula http://www.mamapetula.com/.
Spécialisée dans les plantes vertes, son sens du décor m'a bcp plu.
Par contre il m'a fallu presque deux ans pour aller la voir "en vrai" aux Grands Voisins....
Mystères de l'esprit humain mille fois distrait au cours de sa journée.
J'avais bcp aimé Grand Train, espace brut ouvert sur les dépots de la SNCF à la porte de la Chapelle. Les Grands Voisins part du même principe, c'est à dire qu'il s'agit d'un terrain jadis occuppé par un espace professionnel public (dans ce cas,un hôpital) qui est desaffecté et en attendant la réalisation immobilière, la mairie de Paris se décide à en faire quelquechose. En ce qui concerne l'hôpital Saint Vincent, l'abandon a duré plusieurs années et l'espace est bien plus grand qu'à la Porte de la Chapelle. On y a fait la part belle à des ateliers d'artistes - designer, menuisier, jardinière, céramiste, architecte - avec un esprit récup et partage bcp plus prononcé. Par ailleurs, à Grand Train on peut admirer des locomotives et des wagons de chemin de fer, aux Grands Voisins on vaque au milieu des bâtiments de l'hôpital qui s'étendent sur des centaines de m2 et une partie est occupée par des migrants.
J'ai donc découvert l'atelier végétal (je ne dis pas floral car elle n'y vend pas de fleurs coupées) de Mama Petula épaulée par deux charmantes et compétentes vendeuses (j'ai eu une discussion passionnante avec Masami, franco japonaise, qui à le projet d'ouvrir sa ferme horticole sur Montreuil) et une foule de visiteurs avec une répartition assez équilibrée d'habitants du quartier, de jeunes créatifs, de vieilles dames, d'alternatifs et de bobos confirmés. Mama Petula a meublé son espace qu'avec des meubles récupérés dans les bâtiments de l'hôpital, tout repeint elle-même, trouvé des bocaux anciens ... C'est très joli.
Cette étagère de boutures aurait ravi ma grand mère capable de recréér n'importe qu'elle plante même à partir de la tige la plus rachitique !
J'ai erré au milieu des immenses bâtiments vides, à part ceux occuppés par des ateliers ou par des migrants pendant au moins deux heures.
Cette parcelle immense est extrêmement silencieuse car bien abritée du boulevard Denfert Rochereau par un grand mur et bordée par l'immense jardin des soeurs de St Vincent qui ont toujours leur maison et leur hospice juste à côté.
L'escalier qui vous permet de grimper et admirer le jardin des soeurs de l'autre côté du mur...
L'ancienne vocation sociale du lieu n'est pas oubliée, j'ai bcp apprécié cela, et je pense que St Vincent de Paul doit être content aussi !
Le bon St Vincent veille dans la cour de l'ancien couvent, juste à côté, qui sert de foyer d'accueil pour femmes et enfants en danger.
En attendant j'ai admiré le beau travail d'une jeune céramiste :
Les petites plantes viennent de chez Mama Petula !
Alors que j'étais en train de régler un petit vase nous sommes interrompues par une jeune mère d'une trentaine d'année qui déboule tout à trac, sans dire ni bonjour ni bonsoir et demande à la céramiste si elle a finalement mis en place ses ateliers de poterie. La céramiste qui était en train de m'encaisser, s'interrompt et explique à la dame que malheureusement comme aucune des personnes qui semblait être intéressée n'avait fait d'inscription ferme elle avait abandonné l'idée. La dame : "ah c'est dommage, mais éventuellement, si je viens avec d'autres parents est-ce que vous en organiseriez ? Pourriez-vous me donner un ordre de prix ?" La jeune femme réfléchit et répond : 55 euros. La dame s'écrie : "mais c'est trop cher ! Je comprend pourquoi tout le monde dit que les Grands Voisins c'est un truc de bobo ! Pourtant je croyais que vous ne payiez pas de loyer ici !"
La jeune fille explique que non, elle paye un loyer, certe petit, mais qu'elle en paye un quand même, qu'il y a l'électricité pour le four, la matière première qui est chère, le fait qu'elle même ait fait de longues années d'études pour pratiquer son métier. La dame : "non vraiment vous ne vous rendez pas compte." Là je ne peux me retenir d'intervenir : "vous savez madame, depuis deux ans je prends des cours de chant lyrique, ma prof a fait la London School of music, je paye 45 euros pour une heure ce qui n'est pas cher, et en plus je la déclare. Je trouve ça normal. Ce ne sont pas les ateliers de la ville de Paris."
Horrifiée, elle tourne les talons et s'en va. Dommage pour sa fille qui avait l'air vraiment mignonne comme tout et qui avait tellement envie de faire de la céramique !
Pour moi c'était elle la bobo, un peu comme les Versaillaises dont je gardais les enfants il y a 40 ans et qui comme par hasard n'avaient jamais la monnaie ou me "payeraient la prochaine fois ...."
J'ai dit à la céramiste que je ne trouvais pas son prix si cher que ça. J'ai emporté mon joli vase et ai continué ma promenade. Pour voir son travail c'est ici : http://marielaurent.paris/
Ce qui est sympa des Grands Voisins c'est ce mélange d'utopie sociale et écolo, qui prouve qu'un autre monde est possible, avec moins de gaspillage, de la récup, de la créativité. La preuve, une association pour mettre des ruches sur les toits de Paris et des apiculteurs qui ensuite viennent s'occupper des ruches et revendent le miel et tant d'autres choses encore :
Voici ce qu'on peut y découvrir :