Mardi dernier je suis allée à Chaumont sur Loire avec trois dames toutes les trois guides conférencières, c'était plutôt marrant.
Si j'ai l'habitude d'aller à Chaumont pour son Festival des Jardins, c'est la première fois que je remarque des expositions d'art contemporain dans le château. Le bâtiment en lui-même n'a pas - à mes yeux - grand intérêt, étant une espèce de pastiche assez kitch, acquis en 1875 par Marie Say (la fille de Léon Say, industriel du sucre) qui épousa la même année le prince Louis-Amédée de Broglie et qui y effectua moult travaux.
Dans toute une aile inhabitée depuis de nombreuses années, Sarkis, qui a séjourné exprès une partie de l'hiver au château, a installé des photos qu'il a transformées en vitrail. Chaque oeuvre est posée devant une fenêtre. La succession des pièces est sans fin. L'impression rapelle un peu cette scène poétique et érotique filmée par Visconti dans le Guépard, quand Alain Delon/Tancrède fait visiter un château parmis les nombreuses propriétés appartenant à sa famille, et dont les pièces sont vides et délabrées, à la jeune Claudia Cardinale/Angelica.
Visconti montre bien le contraste entre un monde finissant et qui n'a plus sa raison d'être (cette demeure princière, vide et abandonnée) avec le monde nouveau incarné par le jeune couple. Plus ils avancent dans l'exploration de cette demeure sans fin, plus ils vont loin dans l'interdit. L'action se passe en 1860 donc Tancrède s'arrêtera avant, mais la tension est très forte. Nous visiteurs, dans cette aile abandonnée du château de la princesse de Broglie, où nous ne devrions pas être, avons un peu la même sensation. On brave un interdit puisqu'on nous fait accéder à des pièces qui ne sont pas visibles.
Je ne sais pas ce que Sarkis a voulu dire en pendant ses dyptiques dans ces pièces qui sont normalement fermées. La sensation d'entrer dans des endroits qui ne se visitent pas est assez délicieuse et le contraste entre l'oeuvre exposée et l'endroit où elle se trouve est très fort. En dehors de toute reflexion savante, je crois bien que l'artiste souhaite juste que nous nous laissions aller à la sensation.
En empruntant des escaliers en bois, des couloirs tortueux, le visiteur pénètre dans une succession de pièces de service qui parfois servent de débarras, parfois sont vides. Sarkis a mis en scène cet abandon et s'en sert de cadre pour ses oeuvres. C'est absolument fascinant. http://www.sarkis.fr/
Après ça, la visite des jardins, dans une touffeur orageuse et au milieu de hordes d'enfants (plein de scolaires ce jours là) était un peu fatigante.
J'ai retenu un jardin cependant, dont l'espace réduit était admirablement rythmé par des planches de bois de chantier dont une arête était peinte en rouge, et l'autre recouverte d'un miroir, ce qui agrandissait le sens de la perspective. Les plantes étaient foncées ou rouges.