Exceptionnellement, le Centre Pompidou a prêté au Théâtre du Châtelet le rideau de scène que Pablo Picasso avait peint pour le ballet "Parade" mis en musique par Erik Satie.
J'avais eu l'occasion de le voir au centre Pompidou de Metz :
Parade a été joué sur la scène du Châtelet le 18 mai 1917. L'argument avait été écrit par Cocteau, la corégraphie par Léonide Massine, Diaghilev demande à Picasso de dessiner les décors et le rideau de scène. Nous sommes en pleine guerre. Cocteau en restera traumatisé (il faut voir les dessins qu'il a fait de sa période dans les tranchées qui sont exposés dans sa maison à Milly la forêt), la musique et le ballet sont si modernes que la représentation fait un scandale. Le petit texte distribué à l'entrée de la salle cite Poulenc (Moi et mes amis, 1963) :
"La musique de Satie, si simple, si crue, si naïvement savante, comme un tableau du Douanier Rousseau, fit scandale par sa désinvolture. Pour la première fois [...] le music hall envahissait l'Art - avec un grand A. En effet, on dansait un one step dans Parade. A ce moment-là, la salle se déchaîna en huées et en applaudissement. Tout Montparnasse au poulailler hurlait : "Vive Picasso !" Auric, Roland-Manuel, Tailleferre, Duret et beaucoup d'autres musiciens hurlaient "Vive Satie!" Ce fut un beau scandale."
Il faut voir ce rideau de scène dans un théâtre du Châtelet vide, et dont la scène a été libérée de la fosse d'orchestre et des fauteuils. On entre par un couloir sombre éclairé par une guirlande d'ampoules de guingette qui font une lumière tamisée et au bout de quelques mètres nous voilà sur la scène, happés par le tableau qui de prime abord déçoit car il est bizarrement éclairé d'une lumière blanchâtre. Mais passée cette impression, on jouit d'être face à cette peinture, si grande, si simple.
Dans le groupe de masques attablés, le Pierrot caresse sa Colombine d'un geste tendre. L'Arlequin de dos serait Picasso et la danseuse blonde Olga Khokhlova qu'il épousera en 1918 et qui lui servit maintes fois de modèles.
Deux petites filles grisées par le plateau qui s'offrait à elles ont esquissé une petite danse en traversant l'espace de part en part et ensuite se sont prises par les mains pour improviser une sorte de ronde. C'était magique.
Attention, ça se termine le 17 mai. Il faut y aller pour jouir de la scène pour soi. Admirer le théâtre comme on a rarement l'occasion de le voir, en pleine journée, sans spectateurs.
Au foyer, le film de Parade, représenté en 2007 est diffusé. Le bar et la terrasse sont ouverts. Montez-y et jouissez de cette belle vue sur Paris :