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  • Hans, photographe de rue

    Ce soir, après m'être acheté des bulbes de tulipes quai de la Mégisserie (et comme c'était l'heure de fermeture, je me suis pressée et je n'ai pas fait gaffe, ils sont tous mélangés dans le même sac en plastique, du coup je n'ai aucune idée des couleurs, de ce que j'ai acheté, mais des bulbes en vrac et de bonne qualité, c'est sans comparaison avec la vente par correspondance ou une grande enseigne de jardinerie ...) je passe par Beaubourg pour rentrer chez moi. Et là je vois un jeune gars qui rincait une photo sous le robinet d'une sanisette ! A côté de lui, un type discutait en anglais avec deux jeunes filles dont une particulièrement jolie. Le jeune gars qui s'appelle Hans, prenait des portraits des gens dans la rue avec une camera oscura de sa fabrication. Pendant qu'il préparait le cliché pour la jeune femme qu'il avait photographiée il m'a tendu un album dans lequel il y avait les portraits qu'il avait déjà fait. J'ai trouvé ça magnifique. D'abord les photos en noir et blanc sont incroyables, et les sujets si divers offrent un panorama d'humanité qui me fait penser à Atget ou Kertesz. 

    Andrew Hutchinson, l'Anglais, a pris cette photo de Hans, avec son Ipad et me l'a mailée ce soir même. Vive la technologie moderne.

    J'espère bientôt avoir des nouvelles de Hans pour vous montrer un exemple de ses photos et surtout vous dire quand vous pourrez le croiser. Moi j'aimerai que l'on parle de lui et de sa démarche, et exposer ses clichés. En effet, il ne s'agit pas de photos ordinaires. Le fait de s'arrêter, de se faire expliquer comment fonctionne sa drôle de machine et de poser pour lui (moi j'ai du rester immobile 5 secondes pendant qu'il comptait) ça créé un lien. Ce n'est pas seulement le fait d'être pris en photo dans la rue - au même titre que de se faire tirer le portrait comme un touriste place du Tertre - et repartir avec tout de suite après, mais d'avoir parlé, avec lui, avec les précédents "clients" qui attendaient leur cliché, avec l'étrange reporter indépendant Andrew (et sa bouteille de lait). C'était un moment unique. Comme je cherchais un papier dans mon agenda pour laisser mon mail à Hans, Andrew a trouvé sa couverture tout a fait appropriée : "I will always make time for you" et il nous a pris en photo. Car il s'agit de ça en photo, c'est instantané, mais on prend le temps de s'arrêter.

    Hans photgraphe de rue.jpg

  • Au musée de la prehistoire avec la classe de CE2 de Luce

    Hier j'ai eu la joie d'experimenter une sortie scolaire en tant qu'adulte accompagnant. Je dis la joie car les enfants de 8 ans sont incroyables et très stimulants.

    Le programme de la journée était d'abord une promenade dans la forêt avec ramassage de feuilles d'arbres et ensuite la visite du musée de la prehistoire de St Germaine en Laye.

    Le temps était gris et menaçant. Dès mon arrivée à l'ecole de ma nièce, j'ai senti le stress du personnel encadrant : comment va-t-on faire s'il pleut, nous n'avons aucune solution de repli, mais il nous manque un parent et en plus Marianne n'est pas en forme! Une des accompagnantes était arrivée soufflant et maugréant, en annonçant qu'elle n'est pas en forme du tout, qu'elle a eu de la fièvre et qu'elle ne pense pas être tout à fait remise. Le directeur d'école reste de marbre tout en accueillant les enfants qui rentrent en classe. Je suis assise sur un banc en attendant. En face de moi, trois dames noires supervisent l'entrée. Le directeur appelle certains parents. Passage de carnets de correspondance. Je n'ai pas d'enfants, donc ce cérémonial m'épate.

    La maîtresse remplaçante de l'instit de ma nièce (j'apprend qu'elle est là tous les jeudi et les vendredis) a très mal dormi tellement elle se préoccuppait de la façon dont se déroulerait la sortie. Elle aussi s'attend au pire : enfants malades dans le car, pluie, impossibilité de respecter le programme prévu.

    Bref. Apparement, la seule personne contente d'aller à St Germain c'est moi, et les enfants bien sûr.

    Les maîtresses ont commencé à les mettre en rang par deux dans la cour avant de partir prendre le car qui nous attendait Bld Magenta. La séance d'intimidation sur comment il fallait se tenir, ce qu'il ne fallait pas faire etc m'impressionne. Les enfants écoutent. Marianne, celle qui ne se sentait pas bien mais qui finalement vient, crie beaucoup et tout le temps. Les enfants sont-ils tous des monstres et pensent-ils systématiquement au mal ? Peut-être que je ne me rends pas compte parce que je ne travaille pas dans une école. Mais bon sang de bois, ils n'ont que 8 ans, mesurent 1'20 et pèsent 35 kilos. J'ai l'impression que dans une classe c'est la lutte perpetuelle et qu'en face, ils pensent qu'ils ne font pas le poid. 

    Les enfants me demandent qui je suis, j'explique, je me présente, comment tu t'appeles. Parfait. Les enfants en rang par deux se dirigent en ordre vers la sortie de l'école et vers le car. "Dépechez-vous pour traverser la rue ! Vite, le feu est déjà rouge". Marianne crie. Le stress monte. On compte et on recompte les enfants, on s'assoit, on boucle les ceintures, on est parti !

    Les maîtresses se consultent pour savoir s'il y a suffisament de sacs en plastique dans le cas où les enfants vomissent. Une fois dans le car, la question du vomis est longuement évoquée. On prévient les enfants, on leur explique que des sacs plastique sont à disposition. A mon humble avis, tous ces détails donneraient envie de vomir à n'importe qui. Sur 52 enfants, deux seuls ont vomi finalement. Mais apparement dans ce genre de cas, il faut prévoir le pire, c.a.d : que la moitié soit malade dans le car, qu'on perde un ou deux enfants, qu'il pleuve, etc. Toutes ces ondes négatives commencent légèrement à entamer mon enthousiasme. Les vociférations de Marianne au fond du bus, qui admoneste de sa voix de stentor les uns ou les autres "Alassane, ça suffit, si ça continue demain tu n'iras pas à la piscine ! Eric, je ne veux pas le répéter ! " commencent à me taper sur les nerfs. Mais je ne travaille pas avec des enfants, donc probablement je ne sais pas ce que ça veut dire, et peut-être que si j'étais à sa place je hurlerai moi aussi ?

    Personnellement, j'ai du mal à crier en français, et je trouve ça épuisant d'élever la voix. Meryl Street dans le Diable s'habille en Prada qui, en parlant bas, oblige tout le monde à baisser la sienne pour entendre ce qu'elle dit est bcp plus effrayante et efficace que Marianne. Dans le car, aucune des maîtresses ne pense à prendre le micro et à expliquer où nous allons et ce que nous allons faire. Peut-être est-ce du au fait que ma mère est guide touristique et que je me rapelle comment elle faisait quand je l'accompagnais quand j'étais petite. Elle racontait plein de choses intéressantes aux touristes dans le car quand on les emmenait depuis l'hôtel à la destination. Ici on se limite à crier sur ceux qui sont un peu agités.

    Le voyage se passe assez bien. Nous n'avons pas trop de bouchons. En une heure nous sommes sur place. Nous partons en forêt. Là, tout le monde est ravi de ramasser des choses, de me montrer des scarabés, des champignons, de ramasser des fleurs (oui, nous avons trouvé du chevrefeuille et des asters). Sincèrement, tout se passe très bien dans la forêt, quand les enfants sont en petits groupes. Dans une sorte de clairière nous sommes rassemblés tant bien que mal en rang par deux pour repartir après une petite pause. Nous repartons vers l'endroit où est garé le car. Nous pique-niquons assis dans l'herbe regroupés par affinité et ensuite les enfants s'egayent pour jouer. Les garçons avec les garçons, les filles avec les filles.

    Je ne sais pas ce qui me prend, mais j'organise une partie de Beret, chez moi ça s'apelle Ruba bandiera. C'est un jeu au principe simple, deux équipes doivent attrapper un foulard quand on appelle les joueurs, et le ramener à leur camps.

    La composition des équipes a été épique. Donner un numéro à chaque enfant idem. Nous étions bcp trop nombreux, 16, une fois le numéro attribué, les enfant l'oubliaient. Coen prend les choses en main, dirige tout le monde, demande à chacun de prendre sa place, guide, attribue les numéros. Je suis impressionnée. Puis, voyant combien c'est la foire (je suis dépassée !) il se met à pleurer ! Les autres vont le consoler, moi aussi. Tant bien que mal on arrive à se placer et on commence. C'est assez hilarant car personne, à part quelques filles, ne reste à sa place, les uns les autres viennent me voir en me demandant de les appeler. Mais on parvient à faire 5 ou 6 appels avant que tout parte en couilles. J'explique aux uns et aux autres déçus, que ce n'est pas grave, c'est juste un jeu. Les maîtresses demandent à deux filles (pourquoi pas des garçons ?) de ramasser les déchets en faisant le tour de leurs petits camarades. Et bientôt nous remontons dans le car.

    Nous repartons vers la ville quand il se met à pleuvoir, comme quoi il y a un bon Dieu ou Allah pour les sorties scolaires. Problème, nous sommes en avance sur l'heure de la visite. Que faire en attendant ? Le car fait le tour de St Germain. Puis nous redépose devant le château. Nous attendons dehors sous le porche, sous la pluie. Puis on nous fait entrer. Au bout de 10 minutes dans le hall, les enfants commencent à s'agiter, parlent, se poussent, bref, font les enfants. Une dame du musée lève la voix et gronde dans le style "Taisez-vous, sinon ça va mal se passer." Les enfants penauds se taisent. Puis finalement, la maîtresse intérimaire nous fait entrer et nous fait visiter la chapelle du château. Là elle se limite à laisser les enfants courir dans tous les sens, puis quand ça dégénère, de les gronder, de les rassembler et de les faire ressortir. Accessoirement dans cette chapelle il y a des bas-reliefs, des plâtres, un plan miniature du château très interessant que nous aurions pu regarder et expliquer. Discussion avec un des enfants qui déclare provocateur "je suis musulman je n'ai pas le droit d'être dans une église". Je lui explique que la chapelle n'est pas consacrée et que tout le monde à le droit d'entrer dans une église, que moi qui suis chrétienne je suis entrée à Istanbul dans la mosquée de Ste Sophie, j'ai juste mis un foulard sur ma tête. J'imagine les problèmes que doit gérer au quotidien le corps enseignant sur ce sujet. Mais je me rend compte qu'une formation pourrait facilement être organisée pour aider à trouver des réponses. En général, la culture religieuse est très réduite, je le constate dans mon milieu professionnel où pourtant on devrait faire attention (le nombre de bourdes chez les journalistes quand ils parlent de salafisme ou chiisme...)

    Nous visitons également une mini expo très intéressante qui explique la fondation du musée archéologique par Napoléon III. Les enfants regardent les vitrines posent des questions, font un peu les cons, mais c'est normal. Personne ne les encadre, personne ne leur a dit ce qu'on allait faire, personne ne fait en sorte qu'ils aient un motif précis pour être là et pour canaliser leur attention sur quelque chose.

    Finalement nous pouvons laisser nos vêtements au vestiaire (très bien conçu) et les conférencières prennent en charge les enfants au grand soulagement des maîtresses. Je suis la seule à suivre la visite avec ma classe. La maîtresse intervient uniquement pour la discipline et est assise sur une des chaises.

    Chaque classe a sa conférencière. A sa décharge, je trouve que s'occupper d'un groupe de 26 enfants c'est trop. On nous demande de nous asseoir par terre devant le crâne magnifique d'un cerf géant (megaceros). Là commence la leçon après le préambule obligé, le rappel des règles de comportement dans un musée et la phrase rituelle "attention les enfants, ici on touche avec les yeux". C'est simple, je l'ai entendue tellement de fois cette phrase, que ça me donne envie de hurler ! Mais les enfants l'ont parfaitement intégrée, ils sont heureux de la terminer avant la conférencière et de la devancer.

    Ici commence la difficulté de la tâche d'expliquer la prehistoire. Je ne sais rien de cette période que j'ai du étudier quand j'étais enfant, je ne prétend pas être une experte, mais quand j'écoute le discours simplifiant de la conférencière je sens quelque chose qui cloche. Cette classification entre homme de Neanderthal, homme de Cromagnon, australopithèque, les phases de l'évolution de l'espèce humaine, qu'il est passé par erectus avant d'être habilis ensuite sapiens et sapiens sapiens. Les précautions de la conférencière pour expliquer aux enfants que l'homme de Neanderthal était très intelligent (malgré tout). Cette théorie de l'évolution est certainement difficile à expliquer et nous sommes en terrain dangeureux. Je me doute qu'on ne peut pas classifier entre moins évolué (donc moins intelligent) et plus évolué ! Ca rapelle ces théories fumeuses entre races supérieures et inférieures. La paélontholgie est une science complexe, ce qui ne signifie pas qu'on ne puisse l'expliquer, qui plus est à des enfants de 8 ans.

    Elle nous montre un crâne. Les enfants répondent à ses questions. Oui, l'arcade sourcillière est très prononcée, c'est ce qui nous rend différents. On passe environ 20 minutes devant ce crâne et elle ne nous dit pas où il a été trouvé, de qui il s'agit et quel est le crâne plus petit juste à côté alors qu'il y a une histoire formidable à raconter. Voici une photo de la vitrine (cf Trivago.fr) :

    musée.jpegMais le crâne en question a été retrouvé - si mes souvenirs sont bons car je me suis précipitée pour lire l'étiquette - en Charente, c'est celui d'une femme, et le crâne plus petit est celui d'un enfant. Rien que ça, c'est intéressant. Au fait, toutes les histoire de ces fouilles sont passionnantes. Or on ne parle que de l'objet lui-même sans nous expliquer d'où il vient et qu'elle est son histoire. A force de passer 20 minutes assis par terre devant une vitrine, les enfants craquent un peu. Une heure et quart est passée, on n'arrive plus à les tenir on s'en va ! On passe presque en courant devant une magnifique frise de chevaux et bisons sculptés, ainsi qu'une tête de chamois criante de vérité. On marche sur une plaque vitrée posée au dessus du moulage d'empreintes de pieds d'homme ! Je la montre aux enfants qui sont avec moi : regardez, c'est la trace d'un pied ! On trace. On s'arrête faire pipi et on attrape les vêtements qui ont été entassés dans les grands tiroirs du vestiaire. Je ne vous dit pas comment ça se passe.

    On rentre. Les maîtresses sont détendues. Elles rigolent, finalement, elles sont très sympatiques. Ca s'est bien passé. J'apprend qu'une petite fille a été malade et a dormi dans le car pendant que nous faisions la visite, enveloppée dans le châle en cachemire d'une des maîtresses. La maîtresse hélas ne retrouvera pas son châle une fois rentrée à Paris.

    Une fois descendue du car et rentrée à l'école je me posai des questions. Serait-il possible d'organiser les visites autrement ? Pourquoi forcément partir avec 50 enfants ? Est-il obligatoire de les faire asseoir par terre et de ne rien leur montrer de tout le musée ? Peut-on partir du présupposé que peut-être ils vont aimer ce qu'on va leur montrer ?

    Comment forme-t-on les conférencières dans les musées ? Partout je vois les enfants assis par terre devant des oeuvres. Je l'admets quand il s'agit de faire des arts graphiques mais dans d'autres cas ?

    Tout simplement, est-il possible de faire confiance aux enfants ou suis-je vraiment trop naïve ?

    http://www.hominides.com/html/lieux/musee-antiquites-nationales-man.php

    http://www.musee-archeologienationale.fr/template.php?SPAGE=34

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