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vie de bureau - Page 15

  • A travers la cordillère des Andes

     

    Ma collègue iconographe reçoit un mail à 22h43 d'une journaliste qui apparemment prépare un sujet sur l'Amérique du Sud. Elle a besoin d'une carte pour montrer - je cite - "comment San Martin a traversé les Andes pour libérer le Chili et le Perou".

    Donc elle demande une carte qui montre les Andes avec les frontières chilienne et argentine. Sur le côté chilien, il faut situer Santiago et sur le côté argentin la ville de Mendoza ainsi que les six passes de Planchon, Portillo (attention il y en a une du même nom côté chilien), Uspallata, Los Patos, Guana, Come-Caballos.

    Afin de l'aider dans sa quête des cols andins, elle lui dit qu'elle peut facilement les situer par rappport à la ville de Mendoza :

    - Planchon est au sud-ouest

    - Portillo est au sud-oeust mais plus près de Mendoza

    - Uspallata est presque en face de Mendoza, un peu à l'ouest

    - Guana est au nord-ouest

    - Los Patos (les canards, en argentin) est juste au-dessus de Guana

    - Come-Caballos est carrément au nord

    Elle souhaite également que l'on situe le mont Aconcagua 6952, point culminant de la Cordillère.

    J'ai vainement cherché ces localités sur Google map avec très peu de succès. A part Mendoza, je n'ai rien trouvé. Je crois que j'aurais plus de chance munie d'un très bon atlas.

    La prochaine fois, si j'étais à la place de l'iconographe, j'exigerai les coordonnées précises, latitude et longitude.

    Vu que je ne trouvais pas ces fichues villes, je me suis renseignée sur José de San Martin. Là j'ai trouvé plein de choses ! Ce général argntin est l'acteur de l'indépendance de l'Argentine, du Pérou et du Chili. C'est un vrai personnage à la Dumas.

    Il est né en 1778 à Yapeyú, au bord du Río Uruguay, qui appartenait à la Vice-Royauté du Río de la Plata, l'actuelle Argentine. Il rentre en Espagne, avec ses parents en 1786, pour faire ses études et il commence une carrière militaire dans l'amée espagnole. Nous sommes au début des guerres napoléoniennes.

    En 1797, ilJosé.jpg obtient le grade de sous lieutenant en récompense de ses actions face aux français dans les Pyrénées. Ensuite il joue un rôle de premier plan lors du soulèvement espagnol contre Napoléon en 1808. (Cette époque est remarquablement bien racontée par Arturo Perez Reverte - l'inventeur du Capitaine Alatriste - dans un livre magnifique "Un jour de colère" publié chez Points. Il y relate le soulèvement du peuple de Madrid contre les troupes de Napoléon commandées par Murat.)

    San Martin reçoit le grade de Lieutenant Colonel et une médaille en or après la victoire contre les troupes françaises à Baylen, le 19 juillet 1808. Il continue la lutte face aux français dans l'armée des alliés: Espagne, Portugal et Angleterre. Il combat sous les ordres du général Beresford à la bataille de Albuera. C'est là qu'il fait connaissance de Lord Macduff, un noble écossais franc-maçon, qui l'introduit auprès des loges secrètes qui complotaient pour l'indépendance de l'Amérique du Sud. Grâce à ce dernier il obtient un passeport pour se rendre en Angleterre, où il rencontre en 1811 des compatriotes de l'Amérique espagnole: Alvear, Zapiola, Andrés Bello, Tomás Guido ... C'est dans cette loge maçonnique que se croisent les acteurs de l'indépendance de l'Amérique du Sud : Miranda et Bolivar. En 1812, San Martin s'embarque pour Buenos Aires au bord d'une frégate anglaise.

    Rien qu'avec ça on a la matière pour 3 romans d'aventure ! .

    La suite est encore plus palpitante car elle se déroule en Argentine et sur la cordillère des Andes ! Je pense, je veux croire, que c'est mieux que Byron en Grèce. Au fait ça se passe à la même époque, une époque où les hommes avaient de grands idéaux romantiques, les cheveux coupés à la Brutus, montaient à cheval et connaissaient Schubert, Beethoven et Chopin.

    Bref.

    Je ne peux pas mettre dans une note l'histoire de l'indépendance du continent sud-américain qui est passionnante ! Du peu que j'ai lu, je pense qu'il faudrait un livre de 1000 pages pour raconter la guerre d'indépendance du Chili et d'Argentine menée par le général José de San Martin. Dès qu'il arrive à Buenos Aires, il organise une société secrète et instruit les troupes aux techniques modernes de combat qu'il avait acquises en Europe contre les armées napoléoniennes.

    Il prend aussi le temps de tomber amoureux et de se marier en août 1813 avec María de los Remedios de Escalada, une femme jeune et belle (pas vraiment de portrait satisfant d'elle hélas, donc j'extrapole), qui appartient à une des familles les plus remarquée du pays. En 1816 une petite fille nait de cette union : Merceditas.

    Les royalistes de Montevideo dominaient les fleuves avec leur flotte, ils ravageaient les cités côtières et faisaient de fréquents débarquements pour razzier les paysans et les éleveurs.
    En janvier, on apprend à Buenos Aires qu'une escadre royaliste s'apprête à débarquer. Le 28 janvier, le Triumvirat ordonne au colonel San Martin de protéger les côtes du Parana de cette menace. Les grenadiers suivent la progression de la flotte ennemie qui compte 11 navires et environ 300 soldats. Les navires jettent l'ancre à Rosario et les espagnols échangent des coups de feu avec les troupes de Caledonio Escalada, commandant militaire de la cité.

    C'est dans la nuit du 2 février que les grenadiers de San Martin arrivent et se cachent dans le Monastère qui domine la ville. (Là, j'ai l'impression de revoir un film des années 50, "Capitaine Hornblower "avec Gregory Peck ou un "Zorro" d'avant Delon.) Au matin du 3 août les barques de l'expédition royaliste touchent terre et les espagnols montent la falaise. San Martin a divisé ses troupes en deux colonnes, et au moment où le clairon sonne, il donne l'assaut. Dès la première charge, le cheval de San Martin est abattu mais la victoire est acquise en quelques minutes. Les royalistes se sont enfuis par la falaise en abandonnant armes et canons. La flotte vaincue s'en retourne à Montevideo et ne reviendra jamais sur le Parana. San Martin revient à Buenos Aires en triomphe.

    Peu de temps après on apprend la victoire du général Belgrano face aux royalistes à la bataille de Salta, où s'est rendue l'armée dirigée par Pio Tristan. Manuel Belgrano, entre sur les terres du Haut Pérou à la poursuite des royalistes, mais il doit reculer jusqu'à ses précédentes positions, dans la vallée de Lerma, après les défaites de Vilcapugio (1er octobre) et Ayohuma (14 novembre).

    Le Triumvirat décide d'envoyer San Martin au nord avec une petite armée d'infanterie et le corps des Grenadiers à cheval. Peu après son arrivée à Tucuman, San Martin se rend compte de l'impossibilité de joindre Lima, qui à ce moment est le centre du pouvoir royaliste, par le chemin du Haut Pérou. Chaque fois qu'une armée royaliste descendait de l'altiplano vers les vallées de Salta, elle était vaincue; et chaque fois qu'une armée des Provinces Unies s'aventurait au Haut Pérou, elle était anéantie.
    C'est alors qu'il a l'idée de traverser la cordillère et attaquer Lima par la mer.

    Quand le futur Libertador s'installe à Cuyo, de l'autre côté de la Cordillère des Andes, la révolution du "Royaume du Chili" se trouve en danger: le pays est envahi par les forces royalistes de la Vice-Royauté du Pérou et après plusieurs batailles, les forces indépendantistes - sous le commandement de Bernardo O´Higgins (le fils illégitime d'un immigré irlandais et d'un argentine) et José Miguel Carreras - sont défaites au cours de la bataille de Rancagua (1er octobre 1814), où les armées chiliennes sont anéanties, laissant la route vers la capitale Santiago ouverte. Le général Carrera avec le reste des armées traverse la cordillère et se réfugie sur le territoire de Cuyo, gouverné par San Martin.

    A Buenos Aires on apprend que Napoleon a été vaincu et exilé sur l'île d'Elbe. Le Roi Ferdinand VII est entré à Madrid après six années de captivité. Le premier acte du gouvernement a été d'abolir la constitution de Cadix et de condamner à mort tous ceux qui s'opposent à sa souveraineté. Le Tribunal de l'Inquisition est rétabli.

    A ce moment, la révolution sud américaine semble vaincue sur tous les fronts. Le Chili et le Haut Pérou sont perdus, avec des royalistes fortement établis à Lima; la révolution vénézuélienne est vaincue et ses chefs, Bolívar et Mariño, se sont réfugiés à Cartagena; les libéraux espagnols sont poursuivis.

    1815 est un dure année. San Martin est à Mendoza d'où il prépare sa campagne contre les royalistes. Durant cette année plusieurs batailles navales sont entreprises par des corsaires battant pavillon du Río de la Plata. Ils capturent les chargements des navires qui font la traversée entre l'Amérique et l'Espagne, libérant les esclaves, ce qui leur vaut la reconnaissance de l'opinion libérale en Europe. On intercepte même la correspondance confidentielle du gouvernement espagnol, ce qui leur permet de connaître l'état véritable des troupes royalistes aux Caraïbes et au Venezuela. C'est ainsi qu'on apprend à Buenos Aires les progrès de Bolívar et des troupes indépendantistes du Mexique.
    C'est dans ce contexte que se prépare l'expédition du commandant Guillermo Brown, secondé par Hipólito Buchardo, qui partant du Río de la Plata, double le Cap Horn et attaque les forteresses espagnoles du Chili, puis les ports fortifiés de Callao et de Guayaquil. Ceci permet aux indépendantistes de s'informer sur les défenses de ces ports qui seront utiles pour la campagne du Pérou.

    Après la défaite de Sipe-Sipe au Haut Pérou, San Martin pense qu'il est temps de mette en place son plan de conquête de Lima par le Pacifique. Ca ne va pas être facile. Je suis obligée de couper car sinon nous n'arriverons jamais au moment qui justifie la demande initiale de cette carte des cols de la Cordillière des Andes.

    San Martin insiste auprès de ses délégués du Congrès sur la nécessité de déclarer l'indépendance. Le 9 juillet, le Congrès proclame l'indépendance des Provinces Unies du Río de la Plata. Il n'y a plus de possibilité de réconciliation avec Ferdinand VII. San Martin a gardé secret le point par lequel son armée franchira les Andes, et a laissé courir de fausses rumeurs pour désorganiser les royalistes. Le 5 janvier 1817 , après une période d'entraînement, l'armée se dirige jusqu'à Mendoza sous les clameurs de la foule. Tous jurent fidélité à la bannière aux couleurs bleu ciel et blanc.

    Tout est prêt à Plumerillo pour faire traverser l'armée de 4000 hommes, avec ses chevaux, canons, munitions et vivres pour un mois. Deux divisions, sous le commandement des généraux Miguel Estanislao Soler et O´Higgins traverseront les Andes par le Paso de los Patos (le col des canards). Une autre, dirigée par Juan Manuel Cabot fera la traversé depuis San Juan, par le Portezuelo de la Ramada pour prendre Coquimbo. Un autre détachement léger passera par le col de Vinchina pour occuper Copaipó. Au sud, le capitaine Freyre passera par le Planchón pour appuyer la guérilla chilienne.

    Au cours de la seconde moitié de janvier, les différentes divisions se mettent en marche avec des instructions secrètes. Les ordres sont d'apparaître simultanément sur le territoire chilien entre le 6 et le 8 février. Le 8 février à deux heures de l'après-midi, les deux principales colonnes occupent les villages de Putaendo et Santa Rosa de los Andes, laissant libre la route vers le Pacifique. Je n'ose imaginer ce que ça a signifié traverser ces cols, même si nous sommes en été, à cette époque, sans routes, et avec des canons...

    Le 10 février, le Chili est libre ! Et c'est en partie ça que notre fameuse carte animée devrait montrer. Le passage par ces cols de la cordillière des Andres.

    En 1823, San Martin demande à rentrer précipitament à Buenos Aires : sa femme est très malade, elle meurt le 3 août peu de temps avant son arrivée, Merceditas n'a que 7 ans. C'est à ce moment que les choses se précipitent. A Buenos Aires il est accusé d'être un conspirateur. Finalement, en butte à des luttes politiques intestines épuisantes certainement pour un homme d'action tel que lui, il quitte l'Argentine pour le Havre avec sa fille le 18 février 1824. Il s'installe à Bruxelles. La fin de son histoire est très bien raconté par Robert Dehon sur un site consacré à la ville de Boulogne sur mer. Je le cite :

    " Pourquoi José San Martin s'arrête-il à Bruxelles ? Pour sa proximité avec Paris et Londres, certes, mais aussi pour son éloignement relatif de la capitale française : il avait combattu l’empereur… Une certaine prudence le guide. Il s’installe à l’hôtel des Flandres avec Alvarez Condarco, un ingénieur naval et secrétaire privé. Mercedes, sa fille, a elle aussi rejoint Londres et il y fait un voyage éclair pour la récupérer, puis ils logent à l’hôtel de la Croix Blanche. Ces édifices ont disparu depuis. Il est également rejoint par son frère Justo Rufino qui résidait à Paris. (...) Délaissant l’hôtel, il vit un court moment dans une maison de la périphérie puis San Martin et Mercedes trouvent un appartement dans un immeuble du centre de Bruxelles, au n° 9 de la rue de la Fiancée. Le père et la fille mènent une existence très simple (...). Mais San Martin est un homme d’action, il visite son pays d’adoption : Gand, Namur, Anvers ; visite son ‘amigo’ Ferdinand Delisle. Il se tient informé des affaires des Amériques, mais toujours avec une extrême discrétion ce qui est déploré par Théodore Verhaegen, le fondateur de l’Université Libre de Bruxelles. Il reçoit aussi des personnalités diverses venues de tous horizons. Des peintres brossent des portraits, certains doivent se trouver dans le musée de Boulogne-sur-Mer.

    Mais en Belgique la révolution gronde également. Si bien qu’en manque de véritable chef militaire expérimenté, des notables de la ville tels le comte de Mérode ou le baron de Wellens ou Alexander Gendebien tentent de le convaincre de prendre la tête des troupes conjurées. Ce qu’il refuse en tant que réfugié… et, il faut l’admettre, les choses ne sont pas claires. Tout comme l’affaire d’une remise de médaille maçonnique à son égard : l’énigme sera peut-être résolue après l’étude d’un fonds codé 114 des archives Osoby (comprenant des documents pillés par le IIIème Reich et récupérés par le KGB) maintenant déposé à l’Université Libre de Bruxelles. La présence de San Martin à Bruxelles n’est donc pas passée inaperçue ! L’heure sonne pour repartir vers l’Argentine. Les raisons de ce choix sont difficiles à expliquer dans le cadre de cette chronique. San Martin embarque sur une frégate, passe à Londres et se retrouve dans la baie de Buenos Aires en février 1829 : il lui est interdit de débarquer ! Le navire retraverse l’océan pour joindre Londres ; San Martin se retrouve à Bruxelles en septembre 1829. La Belgique gagne son indépendance en 1830 et, en 1831, San Martin quitte le pays à peine né, inquiet de la situation politique européenne. Direction : Paris, où il est autorisé à vivre !

    A 52 ans, San Martin s’installe avec sa fille rue de Provence dans l’actuel IXe arrondissement. Ils sont victimes d’une épidémie de choléra. Ils se rétablissent… mais avec des séquelles pour le Libertador. Mercedes se marie avec Mariano Blacarce, un diplomate argentin et le couple décide de retourner au pays, laissant San Martin seul. Délaissant la capitale, il achète, en 1834, la maison de campagne « Grand-Bourg » à Evry-sur-Seine, dans l’Essonne. Vie très calme car la santé de San Martin s’est détériorée suite à l’atteinte de choléra. Il effectue quelques voyages (Florence, Naples et Rome) ; Mercedes et son mari reviennent en France. La maison retrouve la joie : sa fille donnant naissance à deux enfants, Mercedes et Josefa. Et il y a les nombreuses visites d’amis argentins qui animent sa vie retirée. Survient 1848 et les prémisses de révolution suite à la crise agricole et financière qui menèrent à l’abdication de Louis-Philippe et l’avènement de la Deuxième République. Craignant les tumultes d’une guerre civile, San Martin, voulant protéger sa famille, décide de repartir pour l’Angleterre. Le chemin de fer passe par Boulogne-sur-Mer !

    La date exacte de la présence de San Martin et de sa famille dans la ville portuaire est inconnue. C'est début 1849 que la famille emménage dans le nouvel immeuble du 105, aujourd'hui 113, de la Grande Rue qui appartient à un avocat, Maître Henry-Adolphe Gérard. Celui-ci est bien connu, il est aussi journaliste, bibliothécaire et secrétaire de la Chambre de Commerce. Une belle maison de dix neuf fenêtres sur rue, avec une aile donnant sur cour et jardin. Il est quasiment certain que San Martin occupe l'entièreté de l'espace : cinq personnes, domestiques et un jeune garçon, Pepito Guerrico, fils d'un ami argentin. Le mobilier provient de sa maison de campagne qui est vendue la même année. Sa chambre se situe au deuxième étage et donne sur la Grande Rue d'où peuvent être aperçus les remparts de la haute ville. Mercedes occupe une autre chambre en façade séparée par un vestibule, elle peut l'aider si besoin est. Un grand salon occupe la façade du premier étage, tandis qu'au rez-de-chaussée, de part et d'autre de l'entrée à double battant, deux pièces bibliothèque se partagent l'espace. Une visite du musée est tout à fait recommandée : la quasi-totalité de la Casa est accessible et le matériel muséologique est particulièrement riche, une exposition parfaitement orchestrée dans une grande simplicité digne de celui qui y vivait !

    Le temps passe... Les Tintelleries, où avait été planté l'arbre de la Liberté, en 1848, est un lieu habituel de promenade pour le héros de la guerre d'Indépendance, beau symbole ! Tout comme les bords de la Liane qui nécessitent une voiture; Pont-de-Briques, quartier général de Napoléon, est aussi un but et, il n'est pas difficile d'imaginer que le camp de Boulogne et les fortifications du port ont été scrutées par le général. Hormis les visites de compatriotes, il demeure éloigné de la société boulonnaise, mais il se lie d'amitié avec Maître Gérard qui apprécie beaucoup sa présence. Hélas, de juin à septembre 1849, une épidémie de choléra sévit à Boulogne, faisant 600 victimes : San Martin est atteint ! Il est soigné par le docteur Henri Jardon qui réside rue du Bras d'Or. Il s'en sort avec une gastrite chronique. Après avoir récupéré, il décide de soigner ses rhumatismes à Enghien-les-Bains, accompagné de sa famille. Mercedes lui déconseille de retourner à Boulogne, le climat ne lui convenant pas. San Martin passe outre ces recommandations, heureux de récupérer ses pénates. A partir du 6 août 1850, sa santé vacille ; le 13 il est alité, le 17, un samedi à 15 heures il expire sans agonie, après avoir murmuré à sa fille ces terribles mots : « Mercedes, esta es la fatigua de la muerte !, c'est la fatigue de la mort ! ». Le corps du Libertador est présenté, le 20 août 1850 dans l'église Saint-Nicolas, ensuite il repose dans la crypte de la Cathédrale Notre-Dame alors en construction, sans grand monde pour suivre la cérémonie. En 1861, le catafalque est transporté au cimetière de Brunoy, dans la région parisienne. Le cercueil y demeure jusqu'en 1880, alors, enfin, il est transféré dans un mausolée de marbre dans le choeur de la cathédrale de Buenos Aires.

    Ainsi, le décès de San Martin passe inaperçu. Par contre, l'influence de la presse existe déjà en cette moitié du XIXe siècle ! Cinq jours après sa mort paraît dans « L'Impartial de Boulogne-sur-Mer » une longue nécrologie écrite par son ami Maître Gérard : un texte splendide ! Ensuite, sont révélées trois lettres de Mercedes, son gendre et un compatriote. Celles-ci éveillent la compréhension du personnage... Par contre, il faut attendre 57 ans pour que le Dr. Tomas B. Viera parvienne, lors d'un séjour à Boulogne, à trouver le « 105 » qu'il arrive à identifier. Même pas une plaque ? Il créée aussitôt une association et avec l'aide de son camarade Enrico Crotto la décision est prise d'ériger une statue à Boulogne. Avec quel argent ? Jeunes débrouillards, ils lancent une souscription à Buenos Aires et à Paris : succès total ! Auguste Rodin est pressenti... C'est Henri Allouard ! Ils le visitent rue Vavin à Paris ; après avoir lu le livre du général Mitre consacré au Libertador, Allouard accepte. La Colonie Argentine de Paris envoie une missive au maire de Boulogne, Charles Péron, pour lui proposer une statue équestre sur le boulevard Sainte-Beuve.

    Le 24 octobre 1909, en même temps que l'Hôtel des Postes, la statue est inaugurée ! Fastueusement, puisque le gouvernement français est représenté par le général Brun et le grand ban ; le 8e d'infanterie, le 3e Génie, le 1er d'Artillerie sont présents avec les musiques. Les Argentins envoient la frégate-école « Presidente Samiento », les canonnières « Parana » et « Rosario » et des détachements militaires. L'enthousiasme argentin, rejoint par celui du Français Roger Fighiera qui a donné un coup de main dans l'entreprise, est dûment récompensé : la mémoire du Libertador demeure ! Raison pour laquelle, les jeunes Boulonnaises apprécient la venue de la frégate ARA Libertad... qui perpétue la tradition. Les marins argentins arborent-ils le bonnet à pompon, retombée de la Marine Française, j'allais dire de la « Royale » ? Une simple idée... Ceci dit, les efforts formidables de Tomas Viera ont payé... après la Première Guerre mondiale. L'Argentine achète la Casa en 1928, elle devient consulat puis musée. Il en résulte de multiples organisations qui prennent au fur et à mesure des années une importance primordiale, avec, bien entendu, la parenthèse de la Seconde Guerre. Ce qui n'empêche pas les cérémonies du 170e anniversaire de la naissance du général en 1948. Et depuis les traditions se perpétuent : Boulogne-sur-Mer est bel et bien la seconde patrie de San Martin." Robert Dehon http://www.cyanopale.org/ch/

     

    Jose_de_San_Martin.jpg

     

     

     

    Un daguerrotype de José de San Martin datant de son passage à Paris en 1848

     


    “Uno debe saber vivir con el dinero que tiene” José de San Martin








  • Chanson de gestes

    Mon histoire de Zorro des duplex a bien sûr fait des histoires. D'une part par ma faute, car je l'ai racontée, de l'autre parce qu'elle a été re-interprétée. Mais quel intérêt de vivre une histoire si ensuite on ne peut pas la raconter, n'est-ce pas ? Donc l'indélicatesse d'un de mes chefs à fait le tour de l'open space, pas complètement parce qu'un des chefs découvre le pot aux roses avec horreur seulement aujourd'hui! moi je suis déjà passée à autre chose, donc son étonnement me fait plutôt rigoler.

    Je lui raconte, donc, une nouvelle fois, la savoureuse histoire des vrais faux duplex. Je lui dit que mise en colère par ce procédé j'ai raconté l'épisode à un collègue qui m'a enjointe de le révéler à mon chef suprême. Réaction du chef bis : "mais pourquoi tu as raconté cette histoire à ton collègue, tu sais qu'ils se détestent". Je reste une seconde sans voix. "Mais Pierre, le problème n'est pas qu'il déteste Paul, c'est que Paul m'ait demandé de commettre une indélicatesse et qu'à ce jour je n'ai toujours pas de réponse satisfaisante à cette histoire !"

    Jeudi après-midi je me suis fait prendre à partie par trois collègues.

    L'histoire sous-jacente à leur réaction disproportionnée à mon égard (je trouve) est désormais ancienne, mais elle a resurgit parce que j'ai raconté une nouvelle histoire à leur sujet.

    Dans toutes les rédactions du monde, le travail est distribué sous forme de piges. Cette répartition est parfois faite de façon équitable parfois non. On ne connait pas les règles non écrites de la distribution des piges. Il m'arrive d'appeler le liège sur lequel est punaisé le planning de la rédaction le mur des lamentations. Moi même, qui suis passée depuis 5 ans au statut permanent, je n'ai plus l'angoisse de découvrir le nombre de journées travaillées en ouvrant le planning, mais je la comprend. Donc quand trois pigistes montent au crénau pour dénoncer la répartition inéquitable des piges du planning du mois de décembre, je me dit bravo, ils ont du courage. Par contre quand je découvre que ce sont ces trois mêmes qui ont en moyenne 16 à 18 jours de travail par mois, je m'étonne. Quand ma collègue qui est chargée de faire les plannings me raconte (encore une histoire) qu'on lui a demandé de refaire le planning de décembre et de redistribuer le travail et la répugnance qu'elle a à appeler des journalistes pour leur enlever des journées de travail afin de les donner à d'autres je suis consternée. Evidemment je ne peux pas m'empêcher de raconter cette histoire à une collègue, sans faire attention qu'une autre collègue va re-raconter cette histoire aux intéressés. Et boum !

    Je me retrouve confrontée à mes trois collègues furieux qui demandent à me parler en privé (dans l'open space il s'agit de la tisanière, sinon ce sont les toilettes ...) et m'accusent des pires intentions. Première reflexion : je divulgue des informations confidentielles les concernant et c'est mal. Deuxième reflexion : je dois faire attention à qui je parle parce que ce que je dis à des conséquences sur leurs vies....

    Dans le fond, sur le moment même, je m'en veux ! C'est pas bien de raconter des histoires. Mais pas moyen d'en placer une ! Pas moyen de les stopper ! Je me sens peinée et triste. Je trouve qu'ils se trompent de cible. Le problème ce n'est pas moi qui les juge des enfants gâtés parce qu'ils ont, contrairement à d'autres, beaucoup de piges, c'est que d'un mois sur l'autre certains de leur collègues connaissent une brusque baisse de travail.

    Maintenant il y aura deux versions de l'histoire, la leur, la mienne. La véritable histoire, la véridique, personne ne la connaîtra jamais.

    Le fin mot de l'histoire, c'est : à quand une répartition juste et équitable des journées de travail, des piges, des reportages à la rédaction ! Et ce n'est pas moi qui l'ait, c'est clair.

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    La Chanson de Roland

  • Je ne suis pas Zorro, suite et fin !

    Finalement, j'en ai parlé au chef suprême, c'est à dire que j'ai fait quelque chose de totalement contraire aux lois non écrites et forcément silencieuses de l'omertà professionnelle.

    En même temps, ne pas en parler au chef suprême laisserait sous-entendre qu'il cautionne ce genre de comportement et ce n'est pas bien non plus. Donc, j'ai expliqué brièvement la situation. Au début il semblait ne pas vouloir me croire, ensuite il a admis que quelque chose n'allait pas. Je me suis fait accompagner d'un collègue journaliste et du coup il ne pourra pas dire qu'il n'a rien entendu, vu qu'il y a un témoin... Hou que c'est machiavélique tout ça ! Mais dans la vie de bureau il faut être malin, ou tout simplement un peu intelligent.

    Le lendemain de mon entrevue, mon chef suprême m'invte dans son bureau et me dit qu'il en a parlé à l'intéressé, que l'intéressé doit lui apporter une explication (ce qui laisse sous-entendre clairement qu'il n'en a pas) et que je ne devais plus me préoccupper de cette question. Il me remercie de lui en avoir parlé. Immense soulagement de ma part. J'avoue avoir eu un moment de lâcheté et avoir regretté d'en avoir parlé "à qui de droit". Ce qui est absurde. Celui qui devait être gêné en premier lieu était l'intéressé qui me demande, ainsi qu'à ma collègue, de commettre une indélicatesse.

    L'intéressé maintenant est totalement débordé par la préparation d'une "spéciale anniversaire chute du mur de Berlin" et n'est pas très présent. Il est d'une obséquiosité mielleuse avec ma collègue. Avec moi, il est d'une politesse glaciale qui me convient tout à fait.

    Dans l'open space, l'histoire n'intéresse plus personne. On est passé à autre chose. Moi j'y ai gagné la réputation d'une incorruptible qui ne laisse rien passer.


    http://www.idee-jour.fr/Le-breviaire-des-leche-culs